AFFAIRE GLENCORE

Alors qu’on s’achemine vers le 10 septembre 2024, date retenue par le Bureau Britannique des Fraudes Graves du Tribunal de Westminster de Londres pour l’ouverture d’un nouveau procès des corrupteurs de Glencore au Cameroun, pouvant aboutir au dévoilement des personnes corrompues dans les sociétés camerounaises cibles (SNH et SONARA), l’on observe une importante frénésie de la Société Nationale des Hydrocarbures qui est finalement sortie de son mutisme légendaire pour donner des explications jusqu’ici secret d’Etat sur la vente du pétrole brut camerounais.

Suite à une plainte déposée en septembre 2023, le Bureau Britannique des Fraudes Graves (Serious Fraud Office du Royaume Uni) du tribunal de Westminster de Londres a enrôlé une nouvelle affaire Glencore. Le Serious Fraud Office (SFO) a programmé le procès pour le 10 septembre 2024. Sur les onze (11) anciens employés de Glencore potentiellement concernés pour répondre des accusations portées dans la plainte, le Procureur Britannique n’a retenu que cinq (05) d’entre eux qui sont appelés à comparaitre.  Le vendredi 09 août 2024, il a à nouveau annoncé son intention d'inculper deux autres personnes supplémentaires résidentes hors du Royaume-Uni, pour répondre à des accusations écrites. Depuis lors, la Société Nationale des Hydrocarbures (SNH) est sortie de sa réserve par un communiqué du 2 août 2024 signé de son Administrateur Directeur général (ADG), Adolphe Moudiki pour se réjouir que les auteurs de corruption de Glencore au Cameroun ont été identifiés et que le Tribunal de Westminster à Londres a enrôlé l’affaire. «Cette information, qui vient d’être rendu publique, marque une avancée significative dans la recherche de la vérité dans cette scabreuse affaire», lisait-on. Non sans finalement renseigner qu’elle avait introduit une plainte au Tribunal de Criminel Spécial (TCS) le 6 novembre 2023 pour identifier les complices Camerounais de ses actes de corruption.

Une sortie de la SNH que le Bâtonnier Me Akere Muna avait trouvé alambiquée. «Lorsque j'ai exposé le scandale de corruption de Glencore, il y a plus de deux ans, la SNH a prétendu qu'il ne pouvait y avoir aucune corruption car elle était interdite par leurs règlements intérieurs. Maintenant, quand le Serious Fraud Office du Royaume Uni rend public  des noms des anciens employés de Glencore inculpés pour corruption,… Ils se dépêchent maintenant de nous informer d'une plainte déposée l'année dernière, peut-être en raison de la révélation imminente des noms par les tribunaux anglais. Contre qui est la plainte et quelles sont les allégations ?», s’étonne-t-il. Pourtant, depuis le déclenchement de cette affaire, tous les dossiers de Glencore de la SONARA ont été transférés à la Présidence de la République. Quid de la SNH ? Il va ajouter une couche par des questionnements qu’il avait soulevés après le communiqué du 02 août 2024 de la SNH. «La SNH peut-elle expliquer pourquoi notre pétrole brut a été vendu avec une remise de 30 % en dessous du prix du marché ? De plus, pourquoi notre pétrole brut a-t-il été vendu à Vitol (un trader accusé de corruption en Amérique latine) avec une remise de 70 % ?»

Panique à bord

Il faudra attendre le 14 août 2024 pour découvrir la publication par la SNH dans le quotidien gouvernemental, Cameroon Tribune du 14 août 2024, une insertion de sept pages d’explications publiées en français et en anglais, intitulé «Non à la Manipulation». Cette réclame sera également relayée par CRTV Radio et TV. On apprend que la SNH a insisté sur le fait qu'elle n'avait jamais vendu le pétrole à Vittol à une décote supérieure à 35%. Revenant à la charge, le 19 août 2024, Me Akéré Muna a donné une conférence de presse dans ses bureaux à Yaoundé dans la cadre de la Plateforme Avocats et la Société Civile pour un Etat de droit, la consolidation des institutions démocratiques et la paix au Cameroun. Au cours de laquelle, Il va se féliciter de ce que la SNH qui avait fait de l’omerta sa gestion de la vente du pétrole brut camerounais au marché mondial, était subitement sortie de sa réserve,  pour se fendre en explications et démonstrations, quelque peu confuses sur les chiffres évoqués. Pris au dépourvu, le Bâtonnier Me Akéré Muna révélait qu’il avait été obligé de retourner sur le site de la SNH pour découvrir que «les chiffres avaient été modifiés : le rabais pour Glencore a été changé de 30 % à 15 %, et pour Vittol de 70 % à 35 %». Et de demander : «La SNH doit expliquer cette incohérence. J'ai des preuves documentées de la date et de l'heure auxquelles ces changements ont été effectués».

Dans la même détermination qu’il a mise depuis le 25 avril 2023, en saisissant par voie de courrier, toutes les institutions compétentes (CONAC, ANIF, POLICE JUDICIAIRE, TCS) pour convoquer Glencore Cameroon à fournir les informations nécessaires, Me Akere Muna a annoncé qu’il va engager dans les prochains jours une procédure judiciaire contre la SNH pour faire la lumière sur la modification de ses chiffres. «Je vais préparer une plainte formelle demandant à la SNH de fournir des réponses concernant ces modifications. Les ressources naturelles du Cameroun appartiennent au peuple, et avec l'aide de Dieu, nous parviendrons». Il est tout de même curieux que, malgré les aveux de culpabilité de Glencore d’avoir lourdement soudoyés des hauts responsables dans toutes les sociétés partenaires avec lesquelles, elle a travaillé dans le monde en général et par ricochet au Cameroun, Glencore continue impunément d’effectuer les transactions avec ses sociétés publiques partenaires au Cameroun. Toutefois, Me Akere se réjouit de s’acheminer progressivement vers la victoire finale. A l’instar de celle d’avoir vu le Président de la République donner mandat au Ministre des Finances d’engager des procédures de réparations, et celle d’avoir poussé SNH à expliquer au public le mystère entourant les ventes de pétrole brut du Cameroun.

Une transparence qui a fait défaut sur le secteur de l’exploitation des richesses minières du Cameroun et qui a valu ce dernier d’être actuellement suspendu de l'EITI. La décision stipule entre autre que : «Le Cameroun peut également améliorer la pertinence de l’ITIE sur des questions d’intérêt public telles que l’affaire Glencore. Il pourrait par exemple étendre les divulgations aux règles et pratiques liées à la sélection des acheteurs dans le cadre des ventes des recettes en nature de l’État, ainsi qu’aux données historiques sur les exportations de pétrole brut au niveau des cargaisons. Le Conseil d’administration exhorte le Cameroun à prendre en compte les débats publics en cours relatifs aux industries extractives pour définir le périmètre de sa déclaration de l’ITIE». Rappelons que l'accord de plaidoyer avec le Département de la Justice des États-Unis exige que Glencore après avoir plaidé coupable et signé l'Accord de plaidoyer, s'est engagé à coopérer pleinement avec les autorités d'enquête camerounaises (article 12 de l'Accord) pour révéler les noms des corrompus. Ces engagements de Glencore ne sont valables que pendant trois (03) ans (article 1 de l'accord). Ainsi, à partir de l'année prochaine, Glencore n'est plus obligé de coopérer. Mais avant, Me Akere Muna a fortement contribué en présentant aux autorités camerounaises un tableau présentant certains retraits d'argent de 2012 à 2014 de la caisse suisse de Glencore, ainsi que les justifications commerciales qui ont été fournies, en relation avec le Cameroun. Des justifications que Glencore avait reconnues comme étant fictives. Tout en prenant l’engagement de travailler désormais en respectant les règles éthiques et en toute transparence,

Mathieu Nathanaël NJOG

Article publié dans le journal L'Essentiel du Cameroun

Article publié dans le journal Le Quotidien

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