Le rapport des droits humains 2023 épingle gravement le Cameroun
30 avr. 2024AMNESTY INTERNATIONAL
L’organisation Amnesty International a publié en cette fin du mois d'avril 2024 son rapport sur la situation des droits humains dans 155 pays dans le monde. Celle du Cameroun reste préoccupante aussi bien concernant la liberté de la presse, la protection des civils, les guerres menées contre les groupes armées, le droit à l’éducation. La liste est loin d’être exhaustive.
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Globalement le rapport annuel 2023 sur la situation des droits humains dans le monde d’Amnesty International indique neuf (9) des dix (10) régions camerounaises ont été touchées par trois crises humanitaires majeures : le conflit armé dans le bassin du lac Tchad, impliquant les groupes armés État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) et Jamaatu Ahlis Sunna Liddaawati wal Jihad (JAS) ; la violence armée dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ; et dans la région de l’Est, les 335 000 réfugiés (es) venant de République centrafricaine, qui avaient un accès limité à l’emploi, à la nourriture, à l’éducation, à l’eau et aux installations sanitaires et d’hygiène. Le Cameroun n’a pas été exempt des déplacés internes. Dans la région de l’Extrême-Nord, plus de 380 000 personnes déplacées à l’intérieur du pays ont été touchées par des inondations et une épidémie de choléra. Plus de 630 000 personnes étaient déplacées dans le pays en raison de la violence armée dans les régions anglophones.
Détentions arbitraires
Le droit à la liberté d’expression a été gravement menacé et deux journalistes ont été tués dans la cadre de leurs activités professionnelles. Il s’agit de Martinez Zogo, journaliste et directeur de la station de radio privée Amplitude FM, a été enlevé par des hommes non identifiés le 17 janvier. Son corps mutilé a été retrouvé cinq jours plus tard en périphérie de Yaoundé. Le 3 février, le corps de Jean- Jacques Ola Bébé, prêtre orthodoxe et présentateur radio, ancien collègue de Martinez Zogo, a été retrouvé près de son domicile à Mimboman, un quartier de Yaoundé. Les détentions arbitraires restent une pratique courante. Plusieurs victimes sont toujours détenues. Des dizaines d’autres personnes anglophones, dont Mancho Bibixy, Tsi Conrad et Penn Terence Khan, chefs de file de la contestation, étaient encore détenues arbitrairement. Ces trois hommes avaient été condamnés par un tribunal militaire de Yaoundé à 15 ans d’emprisonnement, après avoir été déclarés coupables en 2017 et 2018 d’«actes de terrorisme», de «sécession», de «diffusion de fausses nouvelles» et d’«outrage à une autorité civile».
https://njogmathieu.over-blog.com/2023/06/la-situation-s-est-deterioree-au-cours-du-premier-trimestre-2023-au-cameroun.html
Le militant anglophone Abdul Karim Ali est toujours en détention provisoire depuis son arrestation le 11 août 2022, après être apparu dans une vidéo où il accusait l’armée camerounaise de torture. Il a été inculpé par un tribunal militaire, en même temps que deux de ses collègues, d’«hostilité à l’égard de la patrie», de «non-signalement», de «sécession» et de «rébellion». Conséquence, à la fin de l’année, 43 militants (es) et dirigeants de l’opposition étaient toujours en détention arbitraire après leur condamnation par un tribunal militaire pour leur participation à une manifestation organisée le 22 septembre 2022 par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), un parti de l’opposition. A cela s’ajoute le cas du journaliste anglophone Thomas Awah Junior condamné en mai 2018 par un tribunal militaire à 11 ans d’emprisonnement pour «terrorisme, hostilité à la patrie, sécession, révolution, insurrection, diffusion de fausses nouvelles et outrage à une autorité civile». Mais le Groupe de travail a déclaré en mars 2023 que sa détention avait été arbitraire, et a appelé les autorités camerounaises «à [le] libérer immédiatement et à lui accorder le droit d’obtenir réparation».
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Homicides illégaux et écoles fermées
Ledit rapport fait cas des exactions perpétrées par des groupes armées. Notamment, dans les deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, l’armée camerounaise et des groupes armés séparatistes ont commis des homicides illégaux et des meurtres. Ou encore dans les groupes armés affiliés à l’ISWAP et au JAS, issus de Boko Haram, qui ont cette année encore mené des attaques dans plusieurs villages le long de la frontière avec le Nigeria et sur des îles du lac Tchad. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, entre le 1er décembre 2022 et le 30 novembre 2023, plus de 280 civils (es) ont été tués par des groupes armés, et plus de 210 ont été enlevés. Entrainant des violations au droit à l’éducation. Dans les deux régions anglophones, 2 245 écoles étaient toujours fermées à la fin de l’année en raison de la violence armée. Entre janvier et juillet, au moins 13 actes de violence visant des établissements scolaires, ont conduit à des enlèvements d’élèves et d’enseignants (es).
Last but not de least, le droit à un environnement sain n’est pas la chose la mieux partagée. Le 9 septembre, un tribunal français a ordonné à la Société financière des Caoutchoucs, spécialisée dans les plantations d’hévéas et de palmiers à huile et société mère de la Société camerounaise des Palmeraies (SOCAPALM), productrice d’huile de palme, de verser 140 000 euros (environ 91,7 millions de FCFA) à 145 villageois (es) privés de leurs terres et victimes de la pollution environnementale. Par ailleurs, les droits des personnes LGBT ne sont pas reconnus. Les réactions hostiles contre ces personnes se sont intensifiées. Le rapport prend même pour preuve que le 12 juin, le Conseil National de la Communication (CNC) a menacé de suspendre les médias qui continueraient de diffuser des «programmes faisant la promotion des pratiques homosexuelles». Le même mois, l’Ambassadeur français pour les droits des personnes LGBT a annulé sa visite au Cameroun, après que les autorités se sont opposées au programme d’activités prévu.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal L'Essentiel du Cameroun
Article publié dans le journal Le Quotidien
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