HOMMAGE À JEAN MOUTASSIE

Il était un footballeur de renom. Il détenait le record du plus grand nombre de buts marqués par un même joueur de notre équipe nationale au cours d’un même match. C’était en amical contre le Congo Brazzaville au Stade Militaire dans le cadre de la préparation de la Coupe des Nations que le Cameroun devait organiser en 1972. Nous avons battu le Congo par 7-0 je crois, et Moutassié a marqué 5 buts à lui tout seul.

Du temps où je faisais encore le cycle primaire de mes études à Édéa et que je jouais au football pieds nus dans la cour de récréation de notre école et lors des championnats de vacances, ceci contre le gré de mon Papa bien sûr, Édéa la Capitale Industrielle du Cameroun à l’époque, avait une grande équipe de football en 1ère Division. C’était l’Union d’Édéa. Le jour où notre équipe avait un match à domicile, le championnat national de 1ère Division ne se jouant que les Dimanches, je vivais des moments très difficiles et conflictuels d’abord sur le plan personnel, ensuite sur le plan familial et enfin sur le plan social. Le dimanche, il fallait aller au culte en famille, et après le culte, il fallait manger en famille, et généralement le repas dominical était très prisé car Maman préparait le poulet  dans la sauce d’arachides accompagné d’une marmite de riz, et certains Dimanches Papa nous achetait la grenadine ou le champagne soda.

Les matchs de l’Union au stade municipal d’Édéa commençant à 15 heures, le culte sortant entre 12 heures et 13 heures, le repas familial commençant un peu après 13 heures et notre maison étant au quartier Gare à un peu plus de 30 minutes de marche pour le quartier d’Amour où est toujours le stade municipal, il m’est arrivé très souvent de sacrifier le repas délicieux de Maman, parce qu’il fallait aller très tôt au stade, pour commencer à faire les tours à l’extérieur de la clôture du stade afin de trouver par hasard un endroit où je pouvais me faufiler en trompant la vigilance des policiers et des scouts qui assuraient la sécurité du Stade, franchir le mur du stade et me retrouver tout gaillard et content à côté des adultes qui avaient payé leurs billets.

À la mi-temps des matches, nous formions une grande foule auprès des joueurs pendant leur séance de réhydratation. Parfois nous les approchions et les touchions même. Tout petit à Édéa, à travers l’Union d’Édéa, j’ai côtoyé tous les grands footballeurs Camerounais, les Tokoto Jean Pierre, Mbappe Lepe, Moukoko de Confiance, Mbete Isaac, Atangana Ottou, Ndo Nna Georges, Owona Pascal, Owona Norbert, Koum Emmanuel, Nkom Sylvain, Ndoumbe Frantz, Assoko Georges, Oyono Samuel Cogefar, Petit Ngando Joseph, Kwedi Paul, Hôya Victor, Dr Bassanguen… Dans l’Union d’Édéa, nous avions les Ekollo Samuel, Madela, Mbouma, Dikanda, Ozolamba, , Bojonde Petit Pélé, Mamende et un certain Moutassié Jean, qui plus tard fut récruté par le Dragon de Yaoundé et de là, fut sélectionné comme ailier droit à l’Equipe Nationale du Cameroun.

Cette partie de ma vie que je partage aujourd’hui les larmes dans les yeux, se situe entre 1961 et 1970, une période très difficile de ma vie d’enfant, car face à la folie de ma passion pour le football, mon Papa opposait une résistance très rigoureuse, car enseignant émérite de son état, pour lui le football c’était pour les voyous et les garçons ratés. En 1970, par un coup du destin dont je vous fais grâce des détails, j’ai rencontré Um Béa André, un joueur du Dragon de Yaoundé venu passer ses vacances à Édéa. Lors des championnats de vacances, Um Béa m’a découvert et m’a dit qu’étant élève en classe de 3e à Yaoundé, il m’invitera à une séance d’entraînement du Dragon au stade Militaire…je croyais rêver.

Chose promise, chose due et comme à l’époque la saison sportive de la FECAFOOT respectait beaucoup le découpage de l’année scolaire, après la rentrée, André m’a emmené au stade Militaire. Ce jour fut le plus grand jour de ma vie de pré-adolescent, car j’avais eu le privilège de saluer et d’échanger avec les grands joueurs Dr Bassanguen, Moutassié Jean Evou Boulon, Fouda Bachot, Mbekal Alexandre, les 5 joueurs du Dragon qui venaient d’assister à la première participation du Cameroun à une Coupe d’Afrique des Nations de Football à Karthoum au Soudan. Ce soir-là, quand  l’entraîneur Mr. Nhiômôg Benjamin m’a dit : « Petit rentre au terrain », j’ai pris la place de Mbekal comme arrière gauche et je devais marquer Jean Moutassié qui était l’ailier droit de l’équipe nationale du Cameroon.

Je croyais que je rêvais et lorsqu’à la fin de l’entraînement Moutassié m’a salué à nouveau et m’a demandé d’où je venais, il voulait savoir si j’allais à l’école. C’est ainsi qu’il m’a adopté et a commencé à me prodiguer des conseils d’adultes sur le football et sur mes études. Aujourd’hui, je suis en larmes car un ami du Cameroun qui connaissait très bien la proximité de ma relation avec Moutassié Jean que nous appelions affectueusement dans le Dragon «Le Brun», m’a annoncé son décès cette nuit à Edéa. J’ai eu très mal car Moutassié Jean a bercé mes premiers petits pas de footballeur en 1ère Division au Cameroon.

Il était un footballeur de renom. Il détenait le record du plus grand nombre de buts marqués par un même joueur de notre équipe nationale au cours d’un même match. C’était en amical contre le Congo Brazzaville au Stade Militaire dans le cadre de la préparation de la Coupe des Nations que le Cameroun devait organiser en 1972. Nous avons battu le Congo par 7-0 je crois, et Moutassié a marqué 5 buts à lui tout seul. C’était un footballeur au grand gabarit, puissant, vif et très rapide, le genre que l’on ne trouve plus chez dans les couloirs offensifs externes.

Moutassié à l’époque travaillait à l’Assemblée Nationale du Cameroun et habitait à Nkolndongo Imotec. C’est  moi qui portais son équipement d’entraînement et je me sentais vraiment très honoré. Moutassié Jean m’a beaucoup marqué sur le plan humain par sa simplicité, sa loyauté et son humour. Pour la petite histoire, son grand rival au poste d’ailier droit à l’équipe nationale était Philippe Mouthé qui jouait dans Bafia Club, et chose surprenante pour moi qui l’observait beaucoup, Philippe Mouthé était son meilleur ami à l’équipe nationale.

Je voudrais rappeler ici que cette partie de la vie de Moutassié Jean avec laquelle je vais conclure mon hommage à ce grand footballeur et à cet homme humble, m’a très tôt appris l’esprit de compétition dans la vie sans haine, sans colère, sans coups bas, sans animosité, car nous ne sommes que de passage sur terre et pendant notre existence, nous devons tout faire pour rendre le monde beau et pour rendre gais et honorés nos frères et sœurs de toutes les origines, de toutes les classes sociales et de toutes les communautés. Malgré les grandes distances qui nous séparaient, je ne manquais pas de rendre visite à Moutassié lors de mes passages au Cameroun, tant à Yaoundé qu’à Édéa.

Je  prie le SEIGNEUR de réconforter sa famille et ses amis et de le bénir.

Repose En Paix Le Brun.

Albert Nguidjol

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