ORPAILLAGE

Les villages de la région de l’Adamaoua vivent un scandale sur le double plan environnemental et social depuis que les populations ont eu vent que son sous-sol serait un trésor qui regorge de l’or.

« A la conquête de l’or pour devenir riche dans la région de l’Adamaoua ». Ce serait certainement le titre d’un futur ouvrage que rédigera soit un journaliste, soit un acteur de la société civile qui sera animé par la vocation d’écrivain. La recherche sauvage de l’or, a suscité une nouvelle vocation au sein des populations de la région Château d’eau du Cameroun, « l’orpaillage amateur et clandestin ». Tellement, cette activité semble se faire sur chaque centimètre carré de terre de cette région. Au point qu’il n’y a pas un arrondissement voir une localité où se pratique cette activité. «Je ne savais pas que nous étions tous assis sur de l’or », s’est exclamé un acteur de la société civile. Et de poursuivre : «Nous sommes venus parler de cohésion sociale et d’anticipation sur les conflits mais nous découvrons ahuris que dans certaines zones qu’il y a de gros problèmes qui vont créer de gros conflits demain dans la région avec l’engagement des populations qui ont abandonné leurs activités traditionnelles anciennes pour se lancer dans l’orpaillage clandestin». D’une localité à une autre, l’on peut constater l’installation des appareils géants et des machines rudimentaires qui remuent la terre de fond en comble. Mais aussi, des milliers de personnes arc-boutées qui bêchent, creusent et fouillent la terre à la recherche d’un trésor qui est caché dedans. Ils ne laissent aucun endroit où la main ne passe. Aussi bien les parcelles de terre que les cours d’eau sont passés au peigne fin pour chercher un brin d’or.

 

La ruée vers la recherche du sésame

Au regard de ses jeunes et vieux, hommes et femmes qui s’y activent avec engagement, acharnement et passion, Ils ressemblent à des diables noirs peinturlurés d’argile rouge et blanche. Les parcelles de terre sont elles-mêmes tellement remuées et lessivées qu’on croirait à des cratères ouverts par des déflagrations de bombes dans un champ de mines. Donnant l’impression d’un paysage apocalyptique. En effet, lorsque les grands orpailleurs clandestins finissent de malmener le sol, de petits orpailleurs clandestins débrouillards se lancent au tamis des pierres et du sable laissés pour chercher des brins d’or, qu’ils finissent d’ailleurs par trouver. Corollaire, certains cours d’eau sont asséchés par ces orpailleurs qui y déposent de grandes quantités de mottes de terres, au point de modifier le lit et la trajectoire de ces cours d’eaux dont les branches finissent par mourir quelques kilomètres plus loin. Et par ricochet, l'agriculture et la pêche sont directement affectés. Non seulement, les populations se désintéressent de plus en plus de ces activités agropastorales, mais en outre la production a considérablement diminuée. Sur le plan humain, les vies sont menacées. Sur le plan de la santé, la pollution de ces nombreux cours d’eau présente un réel danger pour l’homme, pour la faune et la flore aquatiques au regard des produits toxique qui y sont déversés sans aucun ménagement.

 

Le rêve d’un enrichissement facile malgré la pollution…

Des témoignages confirment la peur des populations. « À Ngaoui dans le département du Mbéré par exemple, cela fait 5 ans qu’en raison de l’orpaillage, certains cours d'eau de cette commune où il ne fait d'ailleurs pas bon vivre sont pollués, troublés et n’offrent plus de poisson», confie un habitant. Un vrai drame pour ces villages qui se meurent. Puisque dans le village voisin, un autre habitant nous avoue que « l'eau du principal cours d’eau a changé de couleurs plusieurs fois, du fait des orpailleurs ». Une situation qu’aucune partie de la région de l’Adamaoua n’est plus épargnée.  «Dans le département du Djerem c’est l’hécatombe. Il y a des orpailleurs partout», s’exclame notre source. Dans les cinq départements de la région Château d’eau du Cameroun, les populations ont abandonné leurs activités traditionnelles à l’instar des activités champêtres sous le prétexte que leurs produits agricoles ne leur rapportent pas de gros sous. Par conséquence, dans certaines localités, les villageois bradent leurs terres à 300 000 FCFA/hectare sur lequel il y a des plants de cajou, de manioc, d'igname, de patates, souvent en pleine production. Les plus offrants, les vendent aux orpailleurs à 1,5 millions FCFA. Il ne fait pas de doute que l’orpaillage a modifié la vie sociale des populations. Dans certains villages de la localité comme à Mayo-Banyo, certains ont tout abandonné pour privilégier la rechercher de l’or. On est à se demander que d’ici quelques années ils n’y aura plus de quoi pour se nourrir car tout le monde est lancé dans l’orpaillage. «Il faut donc s’attendre à long terme à la raréfaction et à l’appauvrissement des terres cultivables et donc à une baisse des rendements agricoles », constate un acteur de la société civile. Et d’ajouter : «La vie chère sera donc une actualité de tous les jours ». 

La mort programmé des villages

Selon certains spécialistes, il faudra 10 à 30 ans avant que les terres détruites ne retrouvent un tout petit peu de leur consistance pour être cultivables. À Ngaoundéré, un jeune homme a déclaré tout en joie : «Comment veux-tu que j’aille me fatiguer pour travailler au champ, alors que je peux gagner 15 millions FCFA chaque mois quand je cherche l’or en brousse ». Ce qui vient confirmer l’assertion populaire dans cette région : « Tout le monde trouve son compte dans l’orpaillage clandestin sauf… l’Etat ». C’est même l’aire goguenarde que les jeunes engagés dans l’orpaillage écoutent les acteurs de la société civile qui viennent échanger avec eux sur la dégradation sociale de cette activité qui s’effectue essentiellement dans la clandestinité. J’ai essayé de les intimider en filmant leurs opérations avec mon téléphone portable : « Vous perdez ton temps, quoi !». En effet, l’orpaillage est venu dans les zones rurales des cinq départements de la région de l’Adamaoua l’activité principale et entraine des déviances  qui vont en s’amplifiant tels que : la drogue, la prostitution, la violence, et la cherté de la vie... Et un leader de la société civile  de prévenir que : «Partout où il y a l’argent rapide et facile, il y a la mort ...Faisons quelque chose pour ces villages en cours de destruction. Retournons-y pour sensibiliser nos parents, sinon la seule localité où toutes les populations de la viendront habiter la ville de Ngaoundéré. L'orpaillage aura tué tous nos villages »

Mathieu Nathanaël NJOG et Ibrahim Sadjo (De notre correspondant)

 

 

 

Retour à l'accueil