Divergence entre les opérateurs du secteur et les consommateurs
24 juil. 2022ACTEURS DE LA FILIERE
Face à l’ampleur que prend allégrement la pénurie du carburant à la pompe au Cameroun, le gouvernement, les institutions publiques en charge, les organisations des prestataires et consommateurs ne s’accordent pas sur les causes et les solutions.
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La dernière sortie en date est celle du Collectif des Syndicats nationaux des chauffeurs professionnels du Cameroun ont adressé une correspondance au Ministre du Commerce (MINCOMMERCE) en date du 17 juillet 2022 dont l’objet porte sur la « Dénonciation d’une pénurie abusive et persistante des carburants ». Il s’étonne que deux mois après avoir rassuré les acteurs qu’il n’y avait aucune inquiétude à se faire sur ce qui est de l’approvisionnement national en produits pétrolier en dépit des perturbations internationales ambiantes, les pompes à carburant sont sèches. Conséquence, la plupart des chauffeurs membres de ces syndicats sont au chômage, pourtant le communiqué du Ministre de l’Eau et de l’Energie (MINEE) au début de la pénurie annonçait l’amélioration de la situation dans les 72 heures qui suivaient. Fort de ce constat, le Collectif déclare que « Face à cette situation, nous ne pouvons plus supporter et demandons l’approvisionnement immédiate en carburant de toutes les stations-services ».
Pour sa part, la Fondation Camerounais des Consommateurs (FOCACO) avait au début de la pénurie interpelle le MINEE, la SCDP et la SONARA. S’interrogeant sur les raisons de la rétention de certains stocks dans les dépôts de la SCDP Yaoundé en Nsam et leurs non mise à disposition des Marketeurs. Mais aussi accusant l’inertie du MINEE de n’avoir pas trouvé de plan B lorsque des traders, sélectionnés lors de l’appel d’offres international de mai dernier pour approvisionner le Cameroun des quantités devant assurer la consommation au titre du 3è trimestre 2022 (soit les mois de juillet, août et septembre 2022) se sont rétractés. Les quantités à livrer étant de 510 000 tonnes métriques (TM) de produits pétroliers répartis ainsi qu’il suit : 165 000 TM de super ; 255 000 TM de gasoil ; 60 000 TM de Jet A1 et 30 000 TM de fuel 3500.
Dans l’attente des réponses concrètes, les différents membres du gouvernement ne cessent de mettre en exergue la menace d’une augmentation du prix du carburant à la pompe du fait que l’Etat est asphyxié par les subventions qu’il supporte. Selon le Ministre de l’Eau et de l’Energie, Gaston Eloundou Essomba, le gouvernement a contribué à hauteur de 327 milliards de Francs Cfa pour les subventions aux prix des carburants pour le premier trimestre 2022. Malgré les assurances données par le gouvernement qui annonçait que depuis le début du mois de juillet, la situation devrait s’améliorer progressivement d’une semaine à une autre. Seulement, les économistes soutiennent que les problèmes de fond demeurent à savoir les lignes de crédit et les devises qui font défaut. Le Gouvernement étant dans l’obligation impérative de payer les manques à gagner du mois de juin 2022 qui s’élèvent à 80 milliards de Fcfa. Or jusqu’à la mi-juillet, l’Etat n’avait payé que la somme de 35 milliards de Fcfa, soit moins de la moitié. Ce qui mettait davantage la pression sur le gouvernement de trouver les moyens financiers et la BEAC à mobiliser les devises.
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Pour comprendre toute cette crise, la Directrice générale de Mme Véronique Manzoua, Veuve Moampea Mbio explique que depuis l’incendie de la SONARA en 2019, le Cameroun est soumis aux aléas internationaux. Les importations des produits pétroliers restent un aspect très important de la sortie des devises du pays, et conduit à un déséquilibre de la balance commerciale. Il y a 6 mois, une cargaison de 10 à 12 tonnes métriques de produit coûtait 5 millions de dollars (environ 2,750 milliards Fcfa). En raison de la crise Ukrainienne, de la rareté des produits, la même cargaison coûte aujourd’hui 15 millions de dollars (environ 8,250 milliards Fcfa). Ce qui met sous pression la BEAC, qui se trouve, en même temps que les autres banques en termes de financement d’un tel volume d’activités économiques. A cela s’ajoute que le fait que certains Marketeurs n’aient pas la possibilité de financer leur approvisionnement en produits pétroliers, mais aussi, ont des difficultés à lever les lettres de crédits qui permettent d’acheter le produit auprès des traders. Et de conclure que « Le mécanisme d’approvisionnement des produits pétroliers en fonction de la situation du marché international entraîne ce que nous appelons aujourd’hui le manque à gagner de l’État évoqué».
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal L'essentiel du Cameroun