La présidence fera-t-elle un passage en force ?
24 juil. 2022AFFAIRE EXPROPRIATION DE DIKOLO
Elle avait un mois, soit jusqu’au 30 juin 2022 pour rendre sa copie. Trois semaines après le deadline, la Commission Aboubakary Haman Tchiouto, n’a pas encore bouclé son rapport final. La tâche était plus ardue qu’on ne l’espérait. Obligeant le Gouverneur de la région du Littoral de tenir une réunion d’évaluation le 20 juillet. La Communauté Sawa redoute un coup de force, car tout serait à la faveur de l’annulation de la DUP.
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Le Gouverneur de la région du Littoral, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua, est aussi impatient que la Communauté Sawa en général, et les victimes de l’expropriation sauvage en particulier de recevoir le rapport final de la Commission ad hoc qu’il a mis en place le 30 mai 2022 pour faire toute la lumière sur cette affaire de l’expropriation sauvage et barbare des habitants du village Dikolo par Bali. Le mercredi 20 juillet 2022, il a convoqué une réunion de restitution des travaux des trois sous-commissions : - foncière, - mise en valeur physique, et - mise en valeur matérielle. Clôturant cette restitution, le Secrétaire général des Services du Gouverneur, Aboubakary Haman Tchiouto ci-devant Président de la Commission Ad hoc a annoncé qu’il se mettra rapidement à l’œuvre pour achever avec la synthèse avant d’envoyer à qui de droit le rapport final. Malgré le retard accusé, le Gouverneur a dit sa satisfaction de voir le gros du travail bouclé et a instruit le président de tenir ce délai. A en croire, certains membres de la Commission ad hoc et des victimes, le retard était compréhensible du fait de l’immensité du travail rencontrée. Tellement les requêtes et les documentations acheminées ne cessaient d’arriver sur la table du Secrétariat permanent de la Commission qui a été obligée de fixer le dernier délai de réception des requêtes au 11 juillet 2022. C’est ainsi que la Commission foncière a effectué sa dernière descente sur le terrain pour vérifier et comparer les dernières requêtes le mercredi 13 juillet.
Les travaux des sous-commissions ont permis de mettre au grand jour plusieurs irrégularités, violations de procédures, et même sur l’authenticité approximative des documents qui ont servi à cette expropriation dont la violence a choqué les consciences jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. Il ressort entre autre que cette DUP qu’on a fait signer au Premier Ministre était mal ficelée. Il est désormais question que les administrations compétentes qui l’ont préparée répondent sur cette légèreté qui est à l’origine de cet imbroglio. Même la mise sur pied préalable d’une commission dans laquelle est représentée la population concernée, avant de prendre toute DUP, n’a pas été respectée. Conséquence, l’Etat a décidé une expropriation sans qu’il ne détienne de titre de propriété sur le site où il a décidé de faire main basse. Ainsi sur la superficie de 02ha du village Dikolo-Bali où l’Etat a exproprié de manière violente les habitants y résidant, cette opération s’est faite en totale violation de la loi N°085/9 du 4 juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique. En ce que 80% de la superficie litigieuse est couverte par 25 Titres Fonciers (TF) parmi lesquels le plus ancien date de 1938. Mieux encore, il a été donné de constater que les 03 TF de la DUP empiètent 20 des 25 TF détenus par les victimes. Ce qui conduirait à une annulation pure et simple de tous les Titres Fonciers superposés en application du Décret N°76-165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du Titre foncier en ses articles 2,3 et 8. Last but not the least, Noungoua Kwendjeu propriétaire du TF N°752W portant sur une superficie de 825m2 n’est pas concerné par la DUP mais il se retrouve dans la liste des indemnisations. En revanche, Nliba Nguimbous, propriétaire du TF N°48W de 3398m2 et TF N°77W de 400m2, et Nana Demen, propriétaire du TF N°5W qui n’étaient pas touchés par la DUP ont vu leurs biens immobiliers détruits.
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Sur le qui-vive
C’est dire toute l’impatience que la communauté Sawa a de voir la décision qui résultera du rapport final de cette commission ad hoc dont certaines victimes estiment déjà qu’elle pourra « ouvrir la voie à une vraie guerre ». Parce que plus que jamais unis comme un seul homme et parlant d’une seule voix, les Sawa qui ne cessent de multiplier des actions de protestations et de revendications (marches, messes, et concert) ne réclament rien d’autre que la restitution de ce site aux propriétaires et la reconstruction de ce qui a été détruit. Tout en évacuant toute option portant sur une quelconque réparation ou compensation des indemnisations des victimes. Or l’attitude de Mme le Délégué Départemental du MINEPAT, craint. Malgré qu’elle est citée au Tribunal Criminel spécial dans cette affaire détournement liée à Dikolo, elle s’est permise pendant que la Commission ad hoc était à pied d’œuvre, d’effectuer des virements d’indemnisation jusqu’au 30 juin 2022, en surfant sur le désarroi de certaines victimes qui ne savent pas à quel saint se vouer depuis la démolition de leurs maisons. Une violation de l'arrêt de toute action pendant les travaux de la Commission ad hoc. Pourtant, sur les 65 victimes recensées par la DUP, 25 sont détenteurs de TF, 15 non pas de TF et 25 bénéficiaires étaient des locataires. La dizaine de bénéficiaires dont les familles ont des TF ont été remis dans le non-respect du droit commun. Ceux ayant perçu l’argent n’étant pas les ayant-droits et n’ont présenté aucun document (certificat d’hérédité ou titre coutumier) leur donnant qualité de représenter les familles. Entraînant ainsi des conflits épiques dans les familles. Au regard de ce forcing, la Communauté Sawa a passé le mot d’ordre pour que les autochtones et détenteurs de Titre de propriété déclinent toute offre financière venant de l’acquéreur Chi Nouako Bissombi jusqu’à ce que le combat engagé sur le plan administratif, le plan judiciaire, le plan traditionnel délivre son verdict.
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Un Tet’ékombo de joie ou de douleur
Et dans l’expectative, la Communauté Sawa se demande si «l’Etat va passer en force malgré toutes les irrégularités ? » Et si « la raison d’Etat peut-elle justifier une expropriation foncière pour cause d’utilité privé ? ». C’est pour quoi à l’occasion du Tet’ékombo 2022 qui sera célébré comme toutes les années, tous les 08 juillet à l’initiative de la chefferie supérieure du Canton Bell, des voix de quelques activistes appellent à une mobilisation sans pareil qui doit aller au-delà de la Communauté Sawa pour être celle de tous les Doualais. Non seulement Rudolf Duala Manga Bell est présenté comme le père de la Nation, fait héros national en 1991, mais aussi parce que les victimes de Dikolo ne sont pas seulement les Sawa, mieux encore, il faut arrêter cette prédation foncière qui est en train de s’essaimer dans toute la ville de Douala et qui ne va pas épargner un grand nombre. A cette occasion, Elimbi Lobé déclare dans une vidéo d’annonce que : «soit ce sera pour remercier le Président Paul Biya d’avoir mis la justice de notre côté et d’avoir ordonné la réparation des préjudices que des enfants dignes propriétaires de Dikolo avec leurs frères venus d’autres contrés pour s’y établir. Si tel sera le cas, le 08 août sera une manifestation de triomphe sur les forces du mal ». Et de poursuivre : «S’il se trouve que les forces du mal prennent le dessus sur notre lutte le 08 août sera l’occasion de commémorer l’assassinat de Rudolf Duala Manga Bell… parce que ce sera un grand moment de joie ou de douleur» du peuple Sawa. Surtout que Dikolo porte l’histoire du Cameroun. C’est sur ce site que le Roi Rudolph Duala Manga Bell s’est installé avec les siens lorsqu’il a été exproprié du Plateau Joss par le colon Allemand. C’est sur ce site que la première célébration du Ngondo s’est tenue en 1923, et où a été exécuté le 1er Président du Ngondo. C’était aussi le lieu où étaient intronisés les Chefs Sawa. « C’est dire que Dikolo du nom de la rivière mythique et mystique que le propriétaire du TF N°752W a couvert de remblais devrait être libéré et réhabilité », souligne les patriarches Sawa.
Mathieu Nathanaël NJOG
Article publié dans le journal L'essentiel du Cameroun