De l’occupant allemand à l’expropriation administrative
28 juin 2022DIKOLO
L’expropriation forcée et les casses à Dikolo-Bali dans le Canton Bell pour les besoins de la construction de l’Hôtel Marriott International à Douala réveille la mémoire des démêlés qui aboutirent à la pendaison de Duala Manga Bell.
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« Dans l’histoire du Cameroun, lorsque les Allemands nous ont sauvagement chassé sur le plateau Joss (actuel Bonanjo), Dikolo a été notre premier point de chute. C’est à Dikolo que S. M. Loba Ndumbé, le successeur du Roi Rudolf Duala Manga Bell pendu en 1884 par les Allemands parce qu’il s’opposait à cette expropriation, s’est installé avec les siens en 1912 », affirme S. M. Samuel Bébé, Chef du Village Youpwe et l’un des notables les plus influents du Canton Bell. Dikolo est limité à l’est par la rivière qu’on appelle Mulopo ma Ngondo qui passe en bas de la Maison du combattant et monte tout au long de l’entrée du Lycée Technique de Douala-Koumassi jusqu’à la rue de la Direction des Brasseries pour s’étendre jusqu’à la Cathédrale Saints Pierre et Paul de Douala avec pour lisière le stade d’Akwa. «Le Roi Rudolf Ndumbe Duala Manga Bell avait morcelé le Titre foncier du territoire du Canton belle pour octroyer pour les besoins d’utilité publique le site où l’église catholique a construit la Cathédrale Saints Pierre et Paul, l’Ecole Saint Jean Bosco et Notre-Dame (ancien Colle St. Esprit et actuel Université Catholique St Jérôme de Douala) », précise S. M. Samuel Bébé. Le village Dikolo est l’endroit où il y avait le premier marché Déido. Ce marché était dans le marécage qui s’étendait jusqu’au débarcadère qui était situé au niveau où est construit l’Hôtel Méridien avant que le port ne vienne s’installer sur tout cet espace.
Après la défaite de l’Allemagne à la 2è guerre mondiale et la suite de l’accord fait le 4 mars 1916 à la Société des Nations, et réaffirmé par le traité de Versailles de 1919, la Grande-Bretagne laissa à la France l’administration des 4/5è du territoire. Soit le Cameroun oriental et les Anglais se contentèrent du Cameroun occidental (des régions du Nord-Ouest et sud-Ouest). Les colons français qui vont reprendre le contrôle du Cameroun sous tutelle, vont reprendre tous le patrimoine des allemands (bâtiments, terres,…). Après l’indépendance du Cameroun, les français vont restituer à l’Etat du Cameroun tout ce patrimoine. A l’instar du chemin de fer dont la construction démarre en 1906 et sera interrompu lorsque la première guerre mondiale éclata tout comme le port de Douala qui était aussi en cours de construction. Ces constructions vont se poursuivre sous tutelle française. Après l’indépendance du Cameroun, les français vont restituer à l’Etat du Cameroun tous leurs patrimoines (entreprises, bâtiments, terres,…). Redevenu propriété de l’Etat du Cameroun sur les Titres Fonciers N° 924, 925 et 926 W, c’est ainsi qu’une partie de Dikolo sera restituée à la Régifercam pour construire la ligne ferroviaire qui allait des ateliers de Bassa pour le port de Douala et la Gare ferroviaire de Douala (située où est installée la station Total et le magasin Trium de Besseke, en face l’ancienne Direction des Douanes).
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La Régifercam ayant été privatisé au profit de la Camrail qui décide de ne pas exploiter le transport des passagers, certaines lignes seront abandonnées, et ces parcelles font tombées sous le coup des actifs résiduels de la Régifercam dont le Cabinet Atou aura la charge de gestion. Le Cabinet Atou va brader certains Titres Fonciers et démantelés les rails sur tout le long des lignes que Camrail ne va pas exploiter. C’est ainsi qu’une partie servira de Dikolo d’emprise au boulevard qui va du carrefour des marchés de fleurs jusqu’au marché Sandaga. Mais la partie située en amont de cette emprise va connaitre depuis le lendemain des indépendances une occupation des populations autochtones que va installer la Chefferie du Canton Bell dans le strict respect des directives laissées par le feu Rois Ndumbe Duala Manga Bell. Seulement, la position géographique du village Dikolo qui est située à l’entrée du pont Joss va susciter beaucoup de convoitises. « La convoitise de Dikolo débute depuis le 1er Maire de Douala, Dooh Priso. Ce dernier avec le soutien du Roi René Duala Manga Bell s’était opposé au projet de déguerpir les habitants de ce site pour construire le marché Sandaga. C’est ainsi que le marché Sandaga sera installé vers le Rond-point 4è.
Lorsque le projet de la construction de la Maison de la culture du Ngondo est posé et que le choix du site est fait à la Besseke à côté de la nouvelle place du défilé après sa délocalisation de la place de l’UDEAC. Mais il se trouve que le site est acquis pour la construction du Djeuga Palace. C’est face à l’opposition farouche de l’Assemblée culturelle et traditionnelle du peuple Sawa qui va aller jusqu’à effectuer les rites sur le site pour chasser le propriétaire de l’Hôtel Djeuga Palace que la Présidence de la République va s’engager jusqu’à l’indemnisation de l’acquéreur et la CUD sera sollicité pour trouver un autre site. La Direction de la Planification et du Développement Durable de la CUD s’y met. C’est ainsi que l’Hôtel Djeuga Palace sera construit sur le site actuel. En 2014, le dossier de la construction de l’Hôtel Marriott International surgit, avec la sollicitation d’une parcelle de 02ha non loin du Centre administratif, la CUD est à nouveau sollicité pour l’obtention de la DUP sur le site du village DIkolo. C’est alors que la CUD va donner son avis favorable. Le Préfet Nasiri Paul Bea et le Délégué du Gouvernement auprès de la CUD, Fritz Ntonè Ntonè sont mis à l’index dans la prédation foncière qui fait actuellement des vagues au sein de la Communauté Sawa.
Mathieu Nathanaël NJOG