EXPROPRIATION DE DIKOLO

L’Assemblée générale extraordinaire du Ngondo élargie à toutes les forces vives Sawa s’est tenue dans la matinée du samedi 28 mai 2022. Elle a été suivie dans l’après-midi par une réunion de crise convoquée et présidée par le Gouverneur de la région du Littoral. Au final, des mesures conservatoires d’apaisement ont été prises.

La semaine précédente a été très agitée, avec des séries de manifestations pacifiques organisées par la Communauté Sawa avec des meetings forains, des marches pacifiques encadrées par des escouades de Forces de maintien de l’ordre (Fmo) et deux assises de l’Assemblée culturelle et traditionnelle du peuple Douala (Ngondo), le mercredi 25 et le samedi 26 mai 2022. Les échos ont retenti jusqu’à la très Haute hiérarchie de l’Etat. Ce qui a valu la convocation du Gouverneur de la région du Littoral, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua à la Présidence de la République. « Cette casse à fait très mal dans les cœurs des Bellois, de la population de Douala, du peuple Camerounais et d’ailleurs. Parce que lorsqu’on voit ces images, elles sont traumatisantes», reconnaitra-t-il. De retour de Yaoundé, il a présidé une réunion de crise dans ces services le samedi 28 mai 2022 en présence des victimes, du Ngondo, de toutes les forces vives Sawa, des députés et des politiques de la ville de Douala. «Cette réunion d'information visait à trouver les voies et moyens pour sortir de la crise sociale causée par le déguerpissement des habitants de la zone Dikolo - Bali », a souligné le Gouverneur. Et pour cause, il précisera que : «Le Gouvernement de la République ne saurait rester sourd à l'appel de détresse d'un individu, d'un citoyen, d'une communauté ».

Des échanges houleux et véhéments de cette assise, les représentants de la communauté Sawa sortant de l’Assemblée générale extraordinaire du Ngondo, tenue quelques heures plus tôt, ont reçu pour mission précise, de faire obtenir par un ultime recours auprès du Président de la République, Paul Biya, l’annulation de cette cession des terres de Dikolo. Ils ont évoqué l’état des lieux des déguerpissements de Dikolo et les illégalités des procédures des investisseurs et des démarches d’une administration camerounaise qualifiée à la fois de dangereuse, corrompue et deshumanisante. A l’issue de cette réunion de crise, le Gouverneur de la région du Littoral, a pris une décision conservatoire d’urgence portant sur l’arrêt des travaux et la mise sur pied d’une Commission ad hoc de travaille pour faire l’état des lieux de cette expropriation foncière : «J’ai tenu à ce que nous puissions d’abord calmer les esprits et j’ai mis sur pied une Commission ad hoc pour qu’on puisse revisiter ce terrain de fond en comble. J’ai demandé également que l’investisseur arrête immédiatement les travaux sur le site, le temps que cette commission travaille sur une durée d’un mois et nous rende la copie, afin que nous fassions un rapport à la Haute hiérarchie. Après cela nous pourrions avoir des conclusions», déclarera au sortir de la réunion, Samuel Dieudonné Ivaha Diboua.

Une accalmie provisoire

Il reste que la cession de cette terre de Dikolo pour la construction d’un Hôtel Marriott international a été validée par une convention signée de la Présidence de la République pour un contrat emphytéotique. Seulement, les victimes du déguerpissement forcé qui ont vu toute leur vie, toute leur histoire et toute leur culture détruites, ne cessent de relever des incongruités. Ils clament que la destruction a été précipitée du 14 mai 2022, parce que le DUP arrivait à expiration à cette date. Ils relèvent que leur site est le village Dikolo par Bali et que Besseke est sur l’autre versant du pont Joss qui est situé est à Akwa. Des recherches ont permis de constater que le Groupe Marriott Hôtels n’a aucun projet de construction d’un quelconque hôtel au Cameroun et encore moins en Afrique Centrale. Le Directeur du Groupe Marriott en Afrique, Asie et Moyen Orient a précisé que lorsque le Groupe Marriott à un tel projet d’investissement, il tient compte des mesures OCDE qui exigent le respect des Droits humains, des intérêts des communautés autochtones. Cette prédation foncière que certains situent le début en 2014 est émaillée des actes administratifs contradictoires. C’est ainsi qu’à la suite de plusieurs démarches de la Chefferie supérieur du Canton Bell, un Arrêté du 14 août 2018 déclare d’utilité publique pour la réalisation des travaux structurants sur une superficie de 02ha 03a 34ca va passer à une superficie 04ha 05a 32ca par un Arrêté du 14 mars 2019. En 2020, intervient un Décret 2020/0004 du 29 janvier 2020 portant expropriation pour cause d’utilité publique et incorporant le domaine privé de l’Etat va revenir sur une superficie de 02ha 03a 34ca.

Après avoir relevé toute cet imbroglio administratif qui se perd elle-même en conjecture sur la nature et la superficie du site, les victimes brandissent les dispositions de la Déclaration sur les Droits des peuples autochtones qui stipulent en ses articles 9 et 10 que : « Les peuples autochtones en peuvent être enlevés de force sur leurs terres ou territoire. Aucune réinstallation ne peut avoir lieu sans le consentement préalable. Donné librement et en consentement de cause des peuples autochtones concernés et un accord sur une indemnisation juste et équitable, et lorsque cela est possible la faculté de retour ». Et le Gouverneur de rappeler que : « Nous sommes ici non pas pour déclencher une guerre, mais pour trouver la paix, car le Président de la République SE Paul Biya n'a cessé d'octroyer aux citoyens frappés d'un décret d'utilité publique pour la réalisation de nombreux projets de développement de nos villes des mesures compensatoires de rétrocessions foncière et domaniale ». En somme, la Communauté Sawa est arrivée à la conclusion que le Groupe Marriott n’ayant aucun projet de construction d’un hôtel à Douala, il aurait la preuve  plutôt qu’il s’agirait d’un projet de construction de la siège d’une Banque. Pis encore, les destructions sont allées bien au-delà du périmètre pour faire des victimes qui ne devraient pas être concernées.  

Mathieu Nathanaël NJOG

Retour à l'accueil