900 familles sous la menace des démolitions controversées
30 mai 2022EXPROPRIATION JAPOMA
Les habitants de Japoma dans le Canton Bakoko ont manifesté pacifiquement le mercredi 25 mai et le jeudi 26 mai 2022, respectivement à la préfecture du département du Wouri et lors de la visite des chantiers par le Maire de la Ville Roger Mbassa Ndinè. Plus précisément à l’étape de la construction des drains dans la zone d’éboulement de Japoma. Ils protestent contre les croix de Saint-André qui annoncent la démolition de 900 maisons.
/image%2F6688793%2F20220531%2Fob_dee3da_manifestation-des-habitants-de-japoma.jpg)
Après le traumatisme social causé par les démolitions sauvages et ubuesques du quartier Dikolo- Bali du 14 mai 2022 qui ont fait une centaine de familles victimes, jetés dans la rue comme des rats d’égouts, une autre expropriation aux conséquences sociales plus importantes s’annonce dans la zone de Japoma. Curieusement, elle porte le sceau de la Communauté Urbaine de Douala (CUD). En effet, les éléments de la police municipale de la CUD ont apposé le mardi 24 mai 2022 les croix de Saint-André annonçant les casses dans les 72 heures. Soit dès le vendredi 27 mai 2022. C’est au total 900 maisons pour environ 5 000 personnes qui se trouvent sur le titre foncier 22838W allant de Japoma Rail au Beach de la Dibamba, qui sont menacés de démolition. Un projet inextricable, puisque soutiennent les habitants de la zone concernée, au moment de leur installation, une viabilisation de la zone avait été faite sur la base du plan de lotissement établi par les services décentralisés compétents du Mindcaf.
Sous la menace de ce déguerpissement, les habitants de cette zone de Japoma ont manifesté pacifiquement le mercredi 25 mai 2022 devant la préfecture du département du Wouri pour attirer l’attention de l’opinion publique nationale et internationale. Ils ont remis leur mouvement le lendemain lors de la descente sur le terrain de l’exécutif de la Mairie de la Ville de Douala, conduit par le Maire Roger Mbassa Ndinè. Exigeant d’être écouté, le Maire de la Ville de Douala leur a prêté une oreille attentive. Après un échange, le Maire qui a trouvé une certaine complexité dans ce dossier, a demandé aux riverains d’aller rassembler leur dossier de défense et de venir le rencontrer à son Cabinet à l’Hôtel de ville de ville pour voir plus clair. Un rendez-vous qui avait valeur d’un sursis à exécution à cette expropriation. Par ailleurs, le Maire va soutenir que la CUD ne pouvait procéder à des casses sur des domaines privés sans avoir obtenu une DUP et sans envisager des dédommagements. Se réjouissant de cette courte victoire, c’est sous les applaudissements des riverains que le cortège du Maire va quitter le site de Japoma.
/image%2F6688793%2F20220531%2Fob_18b8f5_img-20220526-115837.jpg)
Les habitants se sont retrouvés le samedi 27 mai à la Chefferie supérieure du Canton Bakoko pour solliciter son intervention. Après des échanges, S. M. Madiba Songuè a rassuré les habitants que les travaux de viabilisation concernés dans la zone vont être arrêtés. Dans la même journée, les engins sont sortis de la zone à la grande joie des riverains. Mais qu’elle n’a pas été leur surprise de voir le lundi 30 mai, les engins revenir dans la zone sous une forte escorte des gendarmes. Des témoignages des riverains, il ressort que cette affaire d’expropriation est une initiative d’un expert des questions foncières qui est engagé dans un projet d’aménagement du Beach de la Dibamba pour en faire une destination touristique. Pour une meilleure viabilisation de la zone, il envisage l’ouverture des voies de circulation dans la zone. Et il pourrait bénéficier de l’accompagnement de la CUD avec la pose des pavés. Usant de quelques relations au sein des services compétents de la CUD, il a réussi à faire signer au Maire de la Ville de Douala, une sommation collective N°108550/CUD du 23 septembre 2021 demandant aux propriétaires « des constructions illégales sis au quartier Japoma-Rail, objet du Titre Foncier 22838W d’une superficie de 164ha dans l’Arrondissement de Douala 3è de déguerpir d’eux-mêmes». Or lesdits occupants disent avoir acheté régulièrement leurs parcelles de terre auprès des autochtones.
Les riverains y voient une machination des autochtones qui auraient ou veulent revendre les terres de ce titre foncier. Ils s’offusquent notamment de l’attitude des autochtones qui réclament la réévaluation des parcelles acquises, il y a vingt ans plus tôt entre 2000 et 3000 Fcfa le mètre carré pour une nouvelle acquisition fixée à 10 000 FCFA le mètre carré. Pourtant c’est eux qui ont viabilisé la zone par des travaux de terrassement et d’installation des réseaux d’adduction d’eau potable et d’électricité. A cet effet, ils soutiennent qu’ils doivent bénéficier du coût de l’opportunité économique. Et ne peuvent subir par conséquence les nouveaux prix issus du niveau d’urbanisation dont ils sont les artisans. En revanche, ils sont d’accord que les maisons construites sur le tracé devant servir de voie de circulation doivent être détruites parce que les propriétaires ne peuvent se prévaloir de leur propre turpitude. Par contre, ils refusent que les maisons n’étant pas sur le tracé des voies d’accès soient concernées par les démolitions comme l’indique les croix de Saint-André qui y ont été apposées. Ce qui cacherait des visées non avouées d’une manœuvre visant à une réappropriation des terres. A la CUD, on soutient que les casses prévues pour ouvrir les voies de circulation dans l’optique d’améliorer les conditions de vie des habitants ne peuvent se transformer en une opération de déguerpissement des potentielles populations bénéficiaires.
Mathieu Nathanaël NJOG