FISCALITE

Une centaine de leaders d’Organisations de la Société Civile ont présenté à la presse le 6 janvier 2022 à Douala la déclaration signée et dans laquelle elle  dénonce la loi de finances N° 2021/026 du 16 décembre 2021 qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2022. Et elle s’offusque de son caractère liberticide.

Après le tollé général suscité par la fiscalité sur les tontines, et sur le transfert d’argent c’est autour de la société civile de monter au créneau pour exprimer leur mécontentement contre certaines dispositions de la loi de finances en vigueur au Cameroun. « Nous, Leaders et Organisations de la société Civile du Cameroun, avons pris connaissance du projet de loi de finances 2022 adopté par le Parlement Camerounais… Après analyse, nous constatons que les dispositions de l’article 93 de ladite loi des finances constituent une réelle menace pour la société civile en particulier». Indique la déclaration. Soutenant qu’elle s’illustre par ailleurs par deux sérieux dangers dans la vie associative matérialisés par les alinéas 5,  6 et 07. Dans le cas de l’alinéa 5, il est fait obligation de déclaration mensuelle des impôts et taxes dus, y compris de ceux pour lesquels ils ne sont que redevables légaux. Et à l’alinéa 7, il est fait obligation d’une comptabilité double. Pour les OSC, cette nouvelle exigence suppose que les associations, qui pour 95% n’ont pas de personnel et même de ressources doivent rémunérer un personnel qui mensuellement s’occupera de cette déclaration fiscale. Et de souligner que : « Ceci est d’autant incompréhensible lorsque l’on sait que le gouvernement du Cameroun n’accorde aucune subvention de fonctionnement aux associations en dehors de quelques privilégiées (moins de 0.001%) reconnue d’utilité publique ».

Par ailleurs, à l’alinéa 6, il est fait obligation qu’avant le 15 mars de chaque année, les organismes à but non lucratif souscrivent une déclaration statistique et fiscale dont le modèle est fourni par le service des impôts, accompagnée d’un état détaillé de toutes les sommes versées aux tiers au cours de l’année fiscale écoulée. Pour les OSC, « si le principe de la déclaration statistique et fiscale annuelle peut, dans certaines conditions être comprises, il n’en est pas de même pour l’obligation de fournir un état détaillé … qui suppose que l’on y mette les montants et les destinataires/bénéficiaires des sommes en question. Plus grave, les concepteurs du texte n’ont même pas cru devoir mettre un plancher sur les montants soumis à cette obligation de déclaration (même un payement de taxi de 1000 Fcfa entrainerait dans cette obligation) ». Et de déduire qu’« Il s’agit là d’une grosse aberration doublée d’une atteinte à la vie privée et à la protection des données. Il s’agit aussi d’une grave violation des dispositions pertinentes du droit régional africain et des lignes directrices de l’Union Africaine sur la liberté d’association et de réunion ».

Au regard de tout cet argumentaire, les leaders et organisations de la société camerounaise disent : - Dénoncer avec fermeté cette volonté récurrente de porter atteinte à la liberté d’association ; - Condamner énergiquement la décision de fiscaliser les associations de fait et autres tontines qui, pour la plupart, suppléent l’Etat dans son incapacité non seulement à financer l’entrepreneuriat privé non formel, mais aussi à assurer une sécurité sociale minimum aux citoyens ; - Demander, avec insistance, au Président de la République, de prendre une ordonnance suspendant l’application de l’article 93 de la loi de finance 2022 dans le sens d’en extraire les dispositions attentatoires à une meilleure jouissance de la liberté d’expression et à la vie privée des bénéficiaires ; -Demander fermement au gouvernement de mettre en place un mécanisme d’appui financier aux associations en vue de permettre à celles-ci de s’arrimer à tout  nouvel environnement fiscal ; - Condamner avec la toute dernière énergie le harcèlement récurrent des leaders associatifs en particulier les défenseurs des droits de l’Homme ; - Exiger, avec fermeté, le respect par le gouvernement camerounais des engagements internationaux en matière de libertés publiques et particulièrement le respect des « Lignes directrices de l’Union Africaine sur la liberté d’association  et de réunion » ; - Demander fermement au gouvernement d’adopter une loi sur le statut juridique des défenseurs des droits de l’homme au Cameroun), dont une proposition a du reste été déjà soumise au Parlement par un Sénateur.

Mathieu Nathanël NJOG

Article publié dans le journal L'essentiel du Cameroun

 

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