IBRAHIM BOMBO NJOYA

Le sultan Roi des Bamoun, Ibrahim BOMBO Njoya, 83 ans, est décédé dans la nuit du 26 au 27 septembre à l’hôpital américain de Paris où il était en évacuation sanitaire à la suite d’une contamination à la covid-19 posurtant il a été parmi les premiers vaccinés.

La nouvelle est tombée comme si le ciel s’était abattu sur le Cameroun. Les Camerounais en général et le peuple Bamoun en particulier ont accueilli la nouvelle avec effroi. Et pour cause, le Royaume Bamoun porte un pan de l’histoire séculaire du Cameroun. Celui d’avant et d’après l’indépendance. Outre le rôle joué par le royaume Bamoun à l’ère coloniale allemande, française et britannique dans la construction de l’Etat du Cameroun, il reste que c’est la conférence de Foumban de (16 au 21) juillet 1961 est historique à plus d’un titre. C’est elle qui va poser les bases de fonctionnement de la République fédérale du Cameroun qui allait naitre quelques mois plus tard, avec sa proclamation le 1er octobre 1961 avec la rédaction d’une nouvelle constitution. Preuve que la dynastie Ncharé Yen dont la création remonte au XVIIè siècle, bien avant l’arrivée des explorateurs européens a toujours occupée une place importante auprès des administrations pré-coloniales et post-coloniales dont les influences n’ont pas empêché qu’elle conserve jalousement sa culture et ses traditions. A l’instar de sa propre écriture et de sa propre organisation politiques et économique. Mais aussi avec la présence constante de ses fils dans les différents gouvernements depuis les précurseurs qu’ont été le dernier roi des Bamoun, Ibrahim Mbombo Njoya et de feu son cousin (et ennemi politique) Adamou Ndam.

Fils de Seidou Njimouluh Njoya, Sultan des Bamoun, Ibrahim Mbombo Njoya, est né le 27 octobre 1937 à Foumban. Intronisé 19è roi des Bamoun, le 09 août 1992, Ibrahim Mbombo Njoya a eu un parcours professionnel et une très riche carrière politico-administrative au cours de laquelle, il aura été tour à tour, entre 1957 et 1992 : - Attaché au Cabinet du Haut-commissaire Français de la République du Cameroun ; - Directeur du Cabinet du Secrétaire d’Etat chargé de l’information ; - Directeur de Cabinet du Ministre des Forces Armées ; - Commissaire Général à la Jeunesse, au Sport et à l’Education populaire ; - Vice-ministre de l’Education nationale, de la Culture, de la Jeunesse, et des Sports ; - Ambassadeur du Cameroun en Guinée-Equatoriale ; - Ambassadeur du Cameroun en Egypte ; - Vice-ministre des Affaires Etrangères ; - Ministre des Postes et Télécommunications ; - Ministre de la Jeunesse et des Sports à deux reprises ; - président de la FECAFOOT ; - Ministre de l’Information et de la Culture ; - Ministre de l’Administration Territoriale ; - Ministre délégué à la Présidence de la République chargé des Relations avec les Assemblées. Le sang suivant la veine, il était le père de l'actuel Président par intérim de la Fédération Camerounaise de Football, Seidou Mbombo Njoya et de l'entraîneur de l'équipe nationale féminine de Basket-ball, Ahmed Mbombo Njoya.

Grand Commis de l’Etat camerounais, audacieux et courageux, on retiendra qu'il était un patriote qui osait prendre des positions courageuses même si elles étaient à contre-courant avec le pouvoir en place dont il était une des personnalité du sérail et du parti au pouvoir dont il était un militant convaincu et convaincant de la première. C’est ainsi que l’histoire retient qu’il prit sur lui d’obtenir l'organisation par le Cameroun de sa première CAN (Coupe d’Afrique des Nations) de football en 1972, sans avoir au préalable pris soin d’avoir l’avis du Président Ahmadou Ahidjo. Sur le plan traditionnel, il reste de demeure celui qui a obtenu le rétablissement du Nguon, le festival culturel du peuple Bamoun interdit en 1924 par l’administration coloniale française. De même en pleine campagne électoral pour la présidentielle d’octobre 2019, va prendre tout le monde de court en plaidant pour : - la révision de la constitution, - la limitation du mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une fois, - l’élection à deux tours, - la révision du code électoral, - la décentralisation dont il demandait l’accélération et l’application des résolutions dans les six (6) mois qui suivent le Grand dialogue nationale, - la libération des personnes arrêtées dans le cadre de la crise anglophones.

Pour celui qui était considéré comme l’un des rares confidents du président Paul Biya, membre du bureau politique du RDPC, patron du RDPC dans la région de l’Ouest, Sénateur du RDPC, cette sortie avait sonné comme une rupture de bancs. Que non. Il s’agissait tout simplement du naturel de l’homme, qui a beau cherché à s’en départir il finit par revenir au galop. C’est dire que s’il laisse un grand vide pour son peuple, il en laisse aussi sur le plan politique. C’est à une double succession qu’on se prépare. Pour sa succession  au trône de la dynastie Nchare Yen, elle se fera dans le strict respect des us et coutumes une fois que la dépouille du Roi des Bamoun sera rapatriée au Cameroun et les obsèques officielles annoncées. Mais sur le plan politique, ce ne sera pas facile en cette période cruciale où le Cameroun s’achemine allégrement vers une alternance. Tant, le pouvoir de Yaoundé perd en cet homme une personnalité très influente et très écoutée. Surtout pour sur un électorat important. La communauté Bamoun représente près de deux millions de personnes. C’est dire si tous les experts de l’histoire contemporaine du Cameroun sont unanimes que le Roi des Bamoun, Ibrahim Mbombo Njoya avait une vision grande pour son peuple et pour son pays. Son peuple retiendra la modernisation du musée des Rois Bamoun et la restitution des œuvres d'art Bamoun par la France. Il entre ainsi dans la lignée des rois bâtisseurs comme nous l’explique Samuel Pefoura dans son ouvrage : « Vision et grandeur du peuple Bamoun ».

Mathieu Nathanaël NJOG

Article publié dans le journal L'essentiel du Cameroun

 

 

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