DOUALA – YABASSI

Les populations riveraines des forêts exploitées n’ont pas de routes dignes, les maigres redevances reversées n’aident en plus qu’à les diviser. Yabassi est un cas d’école

Parmi les chantiers de construction des routes les plus en vue au Cameroun depuis ces 5 dernières années, on parle de la route Douala-Bonepoupa-Yabassi, qui devrait une fois finie, mettre fin au calvaire des populations du département du Nkam. Mais cette route est comme beaucoup d’autres embourbée dans des délais interminables de livraison. Le 31 mai 2018, il y trois ans, le ministre des Travaux publics faisait une visite de chantier, notamment sur le lot numéro 2 Douala Bonepoupa. Il était reparti de là, convaincu que les travaux étaient avancés à 54% et exhortait l’entreprise Encobat Btp à mettre les bouchées doubles pour tenir les délais de 24 mois qui s’épuisaient le 4 avril 2019. Deux ans après l’expiration, on scrute toujours le ciel, entre-temps les usagers vivent le calvaire, et parmi eux le personnel et les étudiants de l’Ecole normale supérieure Polytechnique de Douala.

Entamé en 2012, pas très différent en 2021

La route Douala-Yabassi est pourtant une voie qui mène dans une mine d’or, le département du Nkam renferme une réserve forestière d’une richesse inestimable, les forêts étant constituées de plus de 50 essences recherchées. Chaque jour, un nombre incalculable de camions grumiers tirent sur cette route des milliers de mètres cubes de bois, qui sortent comme du pétrole brut au bout d’un pipeline. C’est avec le cœur serré que les populations doivent alors au quotidien patauger dans la boue, parquées comme des sardines dans des pik-up dans lesquels elles sont transformées en bagages, qui doivent en plus rentrer dans les champs de temps en temps pour laisser passer ces monstres de la route qui sortent avec leur richesse. Ces populations ne peuvent pas profiter de la route, et même les maigres redevances forestières que les exploitants ont été contraints de verser pour le développement local, sont devenues sources de divisions, pour lesquelles les chefs traditionnels, les autorités administratives et les élites locales se déchirent. Yabassi serait-il maudit de son bois ?

Terre maudite ?

Le 10 avril 2019, Sa Majesté Thomas Nsota Mbango, le chef du canton Dibeng-Ndogbele, adressait  une correspondance au Secrétaire général du  ministère de l’Administration territoriale. Il dénonçait  « la gestion douteuse » d’une somme de 25.859.064 FCFA représentant le produit d’exploitation de la vente de coupe de bois n°07-02-83 de 2500 hectares dans la localité de Dibeng. Pour la gestion de ces fonds, un comité cantonal avait été mis sur pied, mais subtilement écarté d’après lui par l’autorité administrative. Phillipe Junior Pokossy, le sous-préfet de Yabassi à l’époque était notamment cité. Ce dernier avait obtenu la gestion des fonds, et l’argent versé dans un compte ouvert dans une banque classique, destiné à des investissements au profit des populations du Canton Dibeng-Ndogbele (eau potable, santé, routes, écoles, etc, avait été utilisé à d’autres fins, affirmait le chef  Nsota Mbango. Le 12 mai 2021 aussi, la collectivité des chefs traditionnels  et des différents comités de gestion des ventes de coupes forestières ont saisi le gouverneur de la région du Littoral par une requête en dénonciation des malversations financières des revenues forestières des comités urbains de Yabassi. Ils pointaient du doigt le sous-préfet de l’arrondissement de Yabassi Adjedja Partrik Landry et deux signataires des comptes, Jacques Mangolo et Pouna Gustave les accusant du détournement d’une somme de 15 millions de francs cfa depuis le mois de février 2021.

A Yabassi en tout cas, ce qui est perçu à première vue comme une bénédiction de la nature, s’est avéré avec le temps être plutôt sources de tous les problèmes, dressant les fils et les filles de la localité contre eux-mêmes. Ils doivent patauger dans les bourbiers sur une route constamment éprouvée et détériorée par les camions grumiers, et une fois au village ils doivent sortir les couteaux les uns contre les autres pour se disputer les maigres pièces que  les exploitants ont laissé tomber dans l’assiette en partant. Plus grave, les administrateurs envoyés sur place pour faire la paix en cas de disputes, sont constamment cités comme étant sinon les instigateurs, du moins les complices des malversations

Par Roland Tsapi

Extrait de la chronique Radio Balafon du 21 juillet 2021

N.B. ; Titre et intertitres de la rédaction de Le Libéré

 

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