AEROPORT INTERNATIONAL DE DOUALA

Menée par le ministère de l’Administration territoriale, une 2è opération d’éviction forcée des habitations a été menée le samedi 26 juin 2021 aux alentours de l’Aéroport international de Douala. Une action dénoncée par des hommes politiques.

Pour s’opposer à l’opération d’éviction forcée qui leur avait été annoncée 48 heures plus tôt avec la pose des croix de Saint André sur les habitations situées sur les emprises de l’Aéroport international de Douala, lieu-dit Newtown aéroport, les jeunes organisés, ont, dans la nuit précédente, barricadé les voies d’accès à leur quartier avec des roues brulés et autres objets de récupération sur la nationale N°3, et à l’entrée de l’aéroport afin d’empêcher l’entrée des bulldozers réquisitionnés à cet effet. En riposte, les autorités administratives ont fait déployer une impressionnante escouade de la police qui est descendue sur les lieux lourdement chargé, avec matraques, gaz lacrymogènes, camions anti-émeutes et armes au point pour disperser ces groupes des jeunes et procéder à des arrestations de quelques irréductibles. Ce qui a conduit à des scènes d’émeutes aux premières heures de la matinée et permis l’opération de déguerpissement massif et sauvage des habitants installés sur les lieux depuis des décennies (20 à 35 ans) et dans la grande majorité pauvre, d’être menée.

Les habitants impuissants et déboussolés n’avaient que leurs yeux pour pleurer, voyant leurs constructions et leurs habitations démolies sans ménagement. Certains qui n’ont pas pu ou n’ont pas voulu enlever leurs biens et mobiliers, les ont simplement vu enfouis dans les décombres. D’autres se sont évanouis et ont été conduits dans les formations sanitaires pour recevoir les soins adéquats afin d’éviter des morts.  A l’instar de la précédente opération d’éviction forcée qui avait été menée le 21 janvier 2021, soit six mois plus tôt, avant de revoir certains déguerpis se réinstaller, cette dernière a laissé le lieu-dit «Newton aéroport», comme un vaste champ de ruines. Les déguerpis accompagnés par la Plateforme des Organisations pour la Promotion du Droit au Logement Décent au Cameroun que dirige Jean-Baptiste Bontsebe dénoncent les violations de la loi portant sur l’urbanisme qui date de 2004 et son décret d’application qui date du 23 Avril 2008, qui prescrit que les victimes soient recasées et indemnisées.

Démarche pernicieuse

Le 1er adjoint préfectoral  du Wouri,  Hector Eto’o Fame qui conduisait cette opération soutient que cette opération entre dans le cadre de l’aménagement de l’espace aéroportuaire en vue de l’organisation de la CAN TOTAL ENERGIES 2021 que le Cameroun abrite aux mois de janvier et février 2022. Tout en précisant que ; «C’est le domaine aéroportuaire et par ricochet un domaine de l’Etat». D’ajouter : «Les habitants avaient été sommés de libérer les lieux pour leur sécurité. Non seulement, elle est une zone marécageuse mais encore ils sont exposés en cas d’incendie, d’éventuels détresses ou crash d’avion qui peut soit s'y poser soit s’écraser». Avant de conclure que : «Personne ne peut détenir un titre foncier légal sur cette zone aéroportuaire». Des arguments auxquels les victimes opposent le fait que la sommation était très juste, 48 heures pas suffisant pour trouver un recasement et effectuer un déménagement. Non sans faire remarquer que certains ont néanmoins pu obtenir des titres fonciers sur un domaine dit de l’Etat. «Cette évictions forcée est illégale en ce qu’une procédure est pendante devant les tribunaux du Wouri, des correspondances ont été envoyées à la Présidence de la république, le Premier ministère et au Ministère de l’Administration territoriale pour surseoir à cette opération en vain», soutient Jean-Baptiste Bontsebe.

Le président du PCRN, Cabral Libii atterrissant à Douala de retour des assises du réseau des parlementaires de la Cemac est allé à la rencontre des victimes qu’il a rencontré chez le chef du quartier Newtown aéroport. Où il apprendra avec des documents à l’appui que cette zone a été attribuée par le président de la République, Paul Biya pour le recasement des sinistrés du lac Nyos et qu’en 2018, le Ministère des domaines et des affaires foncières  l’avait rétrocédée à la famille Wondo du village Bonaloka. Le député du PCRN y voit dans cette opération «quelque chose de pernicieux, d’inhumain». En ce que le fait que ce soit le Minat qui mène l’opération. «En s’appuie sur un texte de 1980, est une astuce pour éviter l’application des textes sur l’urbanisation qui oblige de recaser et d’indemniser les victimes» remarquera-t-il. Il a demandé de recenser les victimes et a promis de saisir les autorités gouvernementales compétentes. De manière estimative, on dénombre près d’un millier personnes concernées, soit  plus de 300 familles qui sont sans abri depuis samedi dernier. Le ministre de la communication dans le shadow cabinet du SDF, Jean Robert Wafo déplore le fait qu’il n’y a eu aucun accompagnement. «On ne saurait déguerpir des familles sans les recaser».

Mathieu Nathanaël NJOG

Publié dans le journal L'essentiel du Cameroun du 30 juin 2021

 

 

 

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